Se marier est déjà un choix engagé et responsabilisant en soi. On doit se projeter dans l’avenir sans limite de temps avec l’élu(e) de son coeur, mais aussi ses proches, ses enfants et même son cercle d’amis,… On doit affronter toute sorte d’incertitudes mais aussi le doute qui accompagne toutes les décisions humaines.
La destruction du lien social, principal effet du COVID-19
Cet immense projet de confiance, de construction et de responsabilité (et peut-être aussi d’amour?) se trouve aujourd’hui face à un nouveau défi: une épidémie dont l’effet principal à long terme n’est pas tant sa létalité, ni le ralentissement de l’économie, ni même la politique de contrôle sanitaire imposée péniblement par les pouvoirs publics, que la dissolution progressive du lien social.
Or, le lien social est bien ce qui est crée et entretenu par des évènements comme les mariages, les baptêmes, les anniversaires, et même les enterrements: ce sont tous des jalons posés sur le chemin de notre vie mais aussi des vies de tous ceux qui y participent.
« Celui qui divise »
Le COVID-19 détruit ce lien et c’est bien à un « Diable », étymologiquement, « celui qui divise », que nous avons à faire. Un « Diable » qui se nourrit de notre propre peur et qui prospère en milieu confiné où il profite de tous les non-dits, les malentendus, les questions irrésolues, de toutes ces rivières d’incompréhension qui s’accumulent derrière les barrages de peur que nous édifions chaque jour, toujours plus hauts. Ces barrages nous protègent et nous évitent surtout de nous confronter aux côtés obscurs de notre relation avec autrui mais lorsque les eaux montent trop haut, les barrages se fissurent et s’effondrent emportant tout sur leur passage.
Que de couples incapables de communiquer se sont séparés enfin lorsqu’ils ont été forcés au confinement! On ne compte plus les mots qui dépassent les pensées, les violences verbales et physiques, les séparations qui ont un parfum de libération. Le COVID-19 est un grand révélateur.
Dans ce nouveau monde dominé par le « principe de précaution » l’obligation de porter un masque, de respecter des gestes et des distances-barrière, de se désinfecter les mains en permanence a déjà commencé à détruire le lien social qui unit les individus entre eux, ce même lien qui crée les peuples et forge les nations.
L’ère du soupçon
Aujourd’hui, les confinements forcés, le couvre-feu à 21 h dans les grandes villes, l’interdiction des rassemblements en dehors du cercle familial ne sont pas aussi lourds à porter que le regard soupçonneux des personnes qu’on croise dans les couloirs du métro et dans les transports en commun. Oui, si l’on n’y prend garde, l’enfer, c’est toujours « les autres »
Cette destruction du lien social est imposée aux adultes mais aussi aux enfants dés leur plus jeune âge. Quelles seront les conséquences psychologiques d’un tel isolement social sur l’individu? Nous sommes des êtres sociaux. L’être humain, isolé, n’a plus rien d’humain mais surtout, l’être humain seul, sans son ancrage social, est une personne vulnérable, facilement manipulable par les pouvoirs de toute sorte.
L’épidémie est un fait objectif mais notre réponse brouillonne au COVID-19 en dit long sur l’état de nos services publics et de nos institutions. C’est l’application hétérogène des règles de protection qui varie d’une ville à l’autre, d’une activité à l’autre, d’une entreprise à l’autre, qui crée la confusion et désoriente plus encore. Les changements répétés dans les règles et les procédures créent une insécurité qui nuit à la compréhension et à l’acceptation du sacrifice. La société est troublée. Combien de couples parviennent à résister à cette ambiguïté structurelle?
Le COVID-19, donne du sens à notre vie
Le COVID-19 nous force à nous « tester » dans tous les sens du terme : on teste notre santé mais aussi l’amitié et la solidarité de notre entourage, la compatibilité de notre caractère avec le caractère de l' »heureux(se) élu(e) » et surtout l’amour de notre conjoint. Il nous force à nous interroger sur ce qui est vraiment important dans notre vie et sur la place qu’on voudra laisser à l’autre dans cette vie. Trop souvent, cet autre n’est qu’un « accessoire » alors qu’il devrait être un partenaire à 50/50. A deux on est plus fort à condition de faire des concessions mais qui est disposé à faire des concessions quand la peur domine?
Le COVID-19 nous force aussi à prévoir, à regarder plus loin. Pour les plus âgés, le temps est venu de régler les problèmes qui pourraient surgir après leur décès. Ne pas laisser des questions en suspens, des prétextes à des conflits entre héritiers. Alors on rédige des testaments, des contrats de mariage, on fait des donations et des contrats d’assurance-vie. La perspective de la mort nous rend tous plus prévoyants.
Le COVID-19 nous force à réfléchir à ce qui est vraiment important dans notre vie : dans ce contexte incertain, beaucoup de couples se demandent aujourd’hui s’il est encore bien raisonnable de se marier. Souvent les mariages sont remis à plus tard mais pour les mauvaises raisons: on retarde le jour « J » car on ne pourra pas organiser une grande et belle cérémonie mais on ne réalise pas à quel point cette épreuve est utile.
Retarder le mariage est une merveilleuse, unique opportunité de soumettre nos sentiments au feu des difficultés financières, de la promiscuité et de la méfiance.
S’ils résistent à l’épreuve du virus, les couples, mariés ou pas, ne pourront qu’être renforcés par cette épreuve. Cent fois brûlé et cent fois trempé, l’acier n’en sera que plus fort.