Pour paraphraser une phrase restée célèbre, on est tentés de demander « De qui, Mathilde, Enzo, Claude, Jennifer, Franck, Lucienne, Henri, Victoria, David, Emeline, Gregory, …etc…, – de qui tous ces prénoms sont-ils le « nom »?
Autrement dit, quelle est la signification du choix d’un nom pour notre enfant? Mais surtout: qu’est-ce-que cela nous dit sur nous, sur ses parents ?
DES NOMS QUI EN DISENT LONG…
Il faut bien avouer que le plus souvent, le nom de l’enfant est avant tout la manifestation des désirs et des aspirations des parents et même lorsque le nom est choisi pour « faire plaisir à mamie » ou pour rendre hommage à un parent disparu, ce nom là a une signification forte qui suivra cette personne tout au long de sa vie.
Des noms d’inspiration régionale montrent à quel point les parents sont attachés aux traditions de leur terroir ou, plus souvent, d’un terroir imaginaire: nous avons tous une terre rêvée au fond de nos coeurs. Les Loïc, Nolwen, Emeric, Kevin, Gwenaël, ou les irlandais Sean ou Liam, … témoignent tous de l’attachement des parents aux traditions celtiques. De même, les noms d’origine nordique comme Astrid, Mathilde, Oleg, Danica ou Igor ne sauraient dissimuler le désir de puissance et de reconnaissance des parents qui espèrent, en donnant un nom « Viking » ou slave à leur progéniture d’en faire de vrais petits guerriers.
Parfois, les parents ne tentent même pas de dissimuler leurs aspirations à des titres nobiliaires réels ou usurpés en affublant leurs enfants de noms « à rallonge » tels que Louis-Philippe, Marie-Adeline, Charles-Henri ou Marie-Charlotte. Parfois, la certification « vieille aristocratie française » est obtenue en arborant des prénoms médiévaux tels que Guenièvre , Roland, Grégoire ou Romuald.
DES NOMS D’INSPIRATION RELIGIEUSE ET COMMUNAUTAIRE
Les noms d’inspiration religieuse ne sont pas rares mais, pour la plupart, ils sont entrés tellement dans les moeurs qu’on ne les remarque presque plus. Ainsi qui irait chercher une quelconque origine juive ou chrétienne pour des François, des Marie ou des Joseph?
En revanche le marqueur religieux se retrouve plus facilement avec des noms tels que Samuel, Aaron, Rachel ou Elie plus fréquents dans la communauté juive.
Avec l’ouverture de la société française à de nouvelles ethnies et religions, on trouve un nombre croissant de noms d’origine nord-africaine tels que : Mehdi, Aicha, Mohamed, Rachida, Ramzi, ou encore Nassim.
Certaines communautés comme la communauté chinoise n’hésitent pas à donner aux nouveaux-nés, pour faciliter leur intégration au sein des pays d’accueil, des noms conformes aux usages locaux et ceci quel que soit le pays dans lequel ils s’installent. Ainsi, Henri Fong ou Alice Tang en France deviennent Francesco Fong et Maria Tang en Italie et Steve Fong et Jessica Tang aux Etats-Unis. Cela leur est d’autant plus aisé qu’en Chine les noms propres ont une signification (par exemple Xiao Mei signifierait « Petite Beauté » et Bao Li « léopard puissant »), alors qu’en Occident, la plupart des noms propres ne sont que des « étiquettes » sans signification particulière.
L’interdiction des statistiques ethniques ne permet pas de connaître avec précision la place des différentes communautés qui se sont installées sur le territoire français mais les noms de famille et, souvent même les prénoms (dans le cas des femmes mariées) trahissent ces origines. Le nom n’est donc pas seulement une « affaire privée » mais il devient un marqueur et même un discriminant culturel, social et ethnique important.
DES NOMS DANS L’AIR DU TEMPS
Pour compliquer le tout, le choix du nom n’est pas toujours motivé de manière rationnelle. Parfois ce sont des « coups de coeur » ou des phénomènes de mode qui définissent une tendance. Depuis les années 90′ on a pu constater une recrudescence des noms féminins en « a » tels que Léa, Emma, Mia ou Julia, une mode qui n’est pas près de s’éteindre. Pour les prénoms masculins, en revanche, ce son les sonorités en « l » ou « el » qui s’imposent depuis quelques années avec des prénoms comme Léo, Louis, Gabriel ou Raphaël.
Parfois, par souci d’originalité, une simple lettre suffit à rendre un prénom original: « Mariah » semble tellement plus sexy que l’ennuyeuse « Maria« .
DES NOMS LOURDS A PORTER
La loi autorise tous les écarts à condition que les prénoms ne soient ni injurieux ni ridicules. Il s’git de limitations nécessaires car le nom de l’enfant, dans la mesure où il détermine les rapports de ce dernier avec ses semblables, peut avoir une incidence sur le futur caractère de l’adulte.
Donner un prénom ridicule ou injurieux c’est garantir à son enfant une vie de moqueries faciles : que de « Jean Bonnot » ou de « Clitorine » ont payé toute leur vie le choix imprudent de leurs parents!
De même, donner à un nouveau-né le nom d’un grand frère ou d’une grande soeur disparu(e) trop tôt peut avoir des conséquences graves sur le psychisme de l’enfant qui doit alors porter une double identité, un double fardeau. L’enfant doit combler le vide immense laissé par l’autre, le frère ou la soeur qu’il ou elle ne connaîtra jamais, celui ou celle qui est dans toutes les pensées mais dont le nom, jamais exprimé par les parents, est gravé dans l’inconscient collectif de la famille. Ce type d' »héritage psychologique » était assez fréquent dans le passé lorsque la mortalité infantile était bien plus importante et l’imagination des parents plus limitée mais il souligne le fait que nous sommes tous, de gré ou de force, les continuateurs d’une histoire qui ne nous appartient pas.
Oui, le nom qui nous a été donné par nos parents nous marque bien plus qu’on ne l’imagine. Il montre que dés notre naissance, notre milieu agit sur nous et nous détermine bien plus que nous n’agissons sur lui. C’est une première grande leçon d’humilité.